Le profilage pour optimiser les performances sportives

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L’objectif de cet article est de vous apprendre à profiler les sportifs. De fait, chaque entraîneur se fait une idée de la personnalité et du mental des joueurs qu’il accompagne. Mais les connaît-il vraiment ? Et comment aider un joueur à progresser si on ne le comprend pas ? Nous vous présenterons donc ici un protocole et des outils concrets de profilage.

Notre protocole de profilage

Le profilage est une dimension indispensable à notre métier de préparateur mental. Il nous sert bien évidemment à mieux comprendre un sportif et donc à adapter notre entraînement en fonction de ses besoins et de ses capacités. Mais il peut également être employé dans une démarche de recrutement/détection, et comme base de management.

Nous vous présenterons ici le protocole que nous avons établi pour un suivi en préparation mentale. Ce protocole est long, pas nécessairement coûteux financièrement, mais il demande du temps et la maîtrise de plusieurs techniques. Repérez donc ce que vous pensez pouvoir faire et appliquer le à vos athlètes.

Le premier élément pour débuter un profilage dans le cadre d’un suivi individuel est bien sûr l’entretien. Il dure généralement 1h, mais vous pouvez très bien le condenser sur 15 minutes. Le but est ici de créer du lien avant tout chose. On essaye de recueillir des informations importantes, comme la construction du projet ou la détermination, mais c’est réellement un temps de prise de confiance mutuelle.

Cet entretien peut être complété par des échanges avec les parents si le sportif est jeune. Attention parce que les parents adorent généralement échanger avec vous et ils auront plein d’informations « très importantes » à vous donner. Libre à vous d’organiser cet échange dans un cadre formel ou plutôt informel. Si le sportif est adulte, n’hésitez pas non plus à recueillir l’avis du conjoint ou d’un proche. Là aussi, il/elle aura beaucoup d’informations à vous transmettre. Peut-être qu’ils en ont marre de voir leur ami passer autant de temps à l’entraînement et qu’ils vous le diront. Mais ils vous remercieront de les avoir écoutés. Restez toujours en bon terme avec les proches !

A cela s’ajoute l’observation du joueur, que ce soit à l’entraînement, en match ou même sur les à-côtés. Fiez-vous aux détails qui en disent beaucoup plus sur la personnalité que des jolis discours servis lors des entretiens. Mais c’est du classique pour vous. Les entraîneurs sont généralement de fins observateurs.

Enfin, vient le dernier outil de profilage, moins habituel pour vous mais que nous considérons comme INDISPENSABLE : les tests. Vous trouverez dans la littérature scientifique en psychologie de nombreux tests qui évaluent la personnalité et les compétences des joueurs. Nous vous recommandons particulièrement le Questionnaire de Profil de Psychologique des Sportifs. C’est un test qu’Anthony a créé, notamment à la demande d’entraîneurs qui souhaitent avoir un aperçu rapide et quantitatif du profil de leurs joueurs. Les droits de ce test ont été cédés à Focus l’École de Préparation Mentale mais il est accessible gratuitement sur leur site. N’hésitez donc pas à le faire passer à tous vos joueurs. D’autant plus qu’il existe en deux versions : une version courte pour les ados de 12 à 16 ans et une version longue pour les adultes.

Résumé du protocole de profilage :

  • Entretien 1h
  • Échange avec les parents ou un proche
  • Observation entraînement ou match
  • QPPS

Les compétences indispensables

Maintenant que vous avez les techniques, encore faut-il s’entendre sur les dimensions que vous voulez évaluer. Là aussi, cela dépend de vos objectifs. Si par exemple, votre objectif est de bien vous entendre avec vos joueurs, que vous êtes très vigilants à l’ambiance du groupe, vous aurez tendance à vouloir « détecter » des joueurs qui seront problématiques. Généralement, ce sont les joueurs qui sont trop impulsifs, trop égocentriques ou manipulateurs. Certains entraîneurs qui inculquent à leur groupe un niveau d’exigence très élevé font la chasse aux paresseux.

En ce sens, une question qui nous est souvent posée est : comment savoir si un joueur est motivé ? En fait, c’est très simple. Nous avons élaboré là aussi tout un protocole d’investigation des motivations, et en 1h on peut vous dire si tel joueur a le profil « haut niveau ». On peut même vous dire, sans être devin, combien de temps il va encore pratiquer son sport et quelles difficultés il va rencontrer dans son projet sportif. Juste en investiguant ses motivations. Ce serait trop complexe de vous présenter tout notre protocole, cela nécessite une réelle formation. Mais nous vous proposerons dans la partie « mise en pratique » un outil que vous pouvez tout à fait réaliser avec vos joueurs en début de saison.

En tous les cas, avec notre expérience d’entraîneur, de psychologue et de préparateur mental, nous vous encourageons à évaluer certaines compétences qui nous apparaissent comme fondamentales et qui vont vous guider pour réaliser un bon profilage. Ce sont des compétences qui sont non seulement gage de réussite sportive mais aussi d’harmonie sociale. Nous en distinguons 7 : l’engagement, la/les motivations, l’estime de soi, la gestion du stress, la concentration, le goût de l’effort et le dépassement de soi.

L’engagement et les motivations vous garantissent d’avoir quelqu’un qui a un réel projet sportif. Il aime ce qu’il fait et s’y projette à long terme. Il ne sera peut-être pas professionnel mais il va en tout cas apprendre beaucoup de son sport, et donc grâce à vous.

L’estime de soi est pour nous la compétence de base par excellence. Quelqu’un qui a une bonne estime de soi, c’est à dire ni trop élevée, ni insuffisante, est sûr de ses qualités. Il est sûr de ses valeurs. C’est quelqu’un aussi de franc, facile à manager, même s’il peut être exigeant.

Celui qui gère le stress, peu importe son âge, ira toujours loin. Non seulement c’est quelqu’un de « cool », qui prend les difficultés comme des « défis » et non pas comme des obstacles insurmontables. Mais c’est surtout quelqu’un qui pourra faire plus de choses, qui gèrera mieux les situations à enjeu, comme les compétitions.

La concentration est pour nous la compétence qui garantit la progression. Les joueurs qui savent se concentrer, progressent. Ils savent se mettre au travail et ont tendance à se féliciter plus des efforts que du résultat.

En complément, un goût de l’effort élevé est synonyme de « ne rien lâcher ». C’est un sportif qui aime se dépasser mentalement, qui aime la difficulté et trouver des solutions pour répondre aux problèmes. Et ce sera complété par la compétence « dépassement de soi » qui est une forme de goût de l’effort mais physique. Ce sont des joueurs qui n’ont pas peur de finir l’entraînement complètement « cramé ».

Toutes les compétences que nous vous avons listées sont évaluées dans le QPPS. Alors encore une fois, n’hésitez pas à faire passer le test à vos joueurs lorsque vous voulez établir un profilage. En revanche, ne vous attendez pas à ce qu’ils aient 10 partout ! Si c’est le cas c’est qu’ils vous ont menti. Certaines des compétences proposées ont un caractère inné, mais la plupart s’acquièrent avec le temps. Elles nécessitent de l’expérience mais surtout de l’entraînement mental. Donc n’espérez pas la perle rare. Visez la perle déjà formée qui s’embellit avec le temps et le travail.

Mise en pratique du profilage

Vous voulez savoir si un joueur est motivé ? Aucun souci. Mais plutôt que de lui poser la question à l’oral, de façon habituel (il vous répondra « oui » de toute façon), demandez-lui de l’écrire !
Demandez à vos joueurs ou à plusieurs, d’écrire sur une feuille tout ce qui les motive. De faire une liste de leurs sources de motivation.
S’ils sont hésitants laissez-les hésiter. C’est bon signe. Ils commencent à structurer leurs motivations et le profilage n’en sera que plus précis. 
Quand ils ont fini, demandez-leur de vous lire leurs réponses. Puis, comme ils auront été trop vite et/ou au plus simple, demandez-leur de compléter. Demandez-leur d’ajouter des détails, des petites choses auxquelles ils ne pensent pas forcément quand ils jouent mais qui leur manqueraient s’ils étaient blessés. Cela peut renvoyer à l’odeur de la pelouse, le bruit de la balle dans la raquette, la couleur d’un grip, le check en arrivant à l’entraînement, etc. Demandez-leur de mettre leurs sens (odorat, ouïe, toucher, goût, vue) dans leurs motivations.

Puis quand ils sont prêts, ils doivent maintenant compter leurs motivations.

Enfin, aidez-les à distinguer les motivations intrinsèques des motivations extrinsèques. Les motivations intrinsèques renvoient à tout ce qui est propre à soi : son plaisir, un geste, l’apprentissage d’une technique, une progression, un sentiment de dépassement, d’efforts. L’extrinsèque dépend inévitablement en partie des autres et du jugement social : gagner une compétition, être le meilleur, être riche, faire plaisir à mes parents, avoir tant d’amis sur les réseaux sociaux, etc. Certaines motivations, selon leur formulation, peuvent être intrinsèques et extrinsèques, comptez-les donc comme tel. 

Vient maintenant l’analyse de leur liste de motivations.
Première question : ont-ils assez de motivations ? Vous pouvez estimer qu’une dizaine de motivations correspond à un projet déjà bien construit. C’est un sportif qui aime vraiment ce qu’il fait, qui ne se satisfait pas que de la gagne. Il aime son sport et son sport lui correspond. Plus il a donc de motivations, plus il jouera longtemps !
Deuxième question : sont-ils bien motivés ? dans le sens où, faut-t-il plus de motivations intrinsèques ou extrinsèques ? La réponse est « ça dépend de leur projet ». Si vos joueurs veulent fait du haut niveau, ils ont intérêt à avoir une balance équilibrée entre les motivations intrinsèques et extrinsèques. S’ils jouent pour « s’amuser », qu’ils aient que des motivations intrinsèques n’est pas un problème. Ils n’aiment pas la compétition, c’est ainsi. Si par contre, ils ont beaucoup plus de motivations extrinsèques, ce sera un problème. Car ils vont accorder trop d’importance à la gagne. Ce qui les stresse tout d’abord, et ce qui les met en difficulté ensuite. Car, dès qu’un joueur trop externe accumule les défaites, toute sa motivation s’effondre. Un des risques est donc qu’il change de sport.

D’expérience, votre rôle en tant qu’entraineur ou accompagnant, est vraiment de renforcer la motivation intrinsèque. Valorisez le travail et l’effort plutôt que la victoire.

A propos de l'auteur

Docteur en psychologie, spécialisé en psychologie du sport et de la santé. Il est notamment l’auteur de « Préparation mentale du sportif » (2017) et « Le bien-être ça se travaille » (2018) aux Editions Vigot. Son approche, basée sur les principes de la Mindfulness et de l’intelligence émotionnelle, propose à chacun d’apprendre à mieux gérer son stress et ses émotions.